Construction d'une maison à l'architecture contemporaine avec une toiture traditionnelle en Haute-Loire.
La maison de la famille C. a entièrement brûlé dans un incendie voilà presque deux ans. Un brasier terrible car le feu a pris alors que la maison était inoccupée. Cette ferme se trouve à l'écart du hameau. Personne n'a entendu ni vu les flammes, cachées dans l'épaisse purée de pois nocturne. Ce n'est que le lendemain matin que l'agriculteur voisin a découvert le désastre. La fournaise avait tout emporté, jusqu'aux vitres qu'elle a fait fondre !
Les assureurs ont accordé leurs indemnités. L'occasion était donnée à cette famille de répondre au coup du sort par un bond en avant : à la place d'une ferme du 19ème aux dimensions imposantes, haute et monolithique nous proposions de reconstruire la maison bioclimatique du 21ème siècle, plus près du sol et de la topographie naturelle du site.
Sur la base du programme des clients, nous avons conçu une architecture contemporaine avec une toiture traditionnelle, à deux pans. Nous avons accroché cette jeune maison aux vestiges de l'ancienne maison : sa cave, son four et sa porcherie.
Deux parties neuves s'articulent de part et d'autre de l'ancienne cave. La plus grande est celle des propriétaires. La plus petite sera réservée à leurs enfants et petits enfants.
L'étude thermique a été réalisée en simulation dynamique par KALITENERGIES. Elle indique que le bâtiment a un besoin de chauffage de 54 kwh/m2 par an. Le même bâtiment placé à 250 m d'altitude (au lieu de 1000m) aurait un besoin de 29 kwh/m2 par an. Quasi deux fois moins!
La maison est naturellement hors gel, c'est à dire sans être habitée ni chauffée. Quand on connaît les hivers sur ce plateau situé à 1000 m d'altitude, c'est pas mal...
Elle est également protégée de la surchauffe grâce aux surfaces de vitrages qui ont été dimensionnées avec le thermicien pour éviter ce phénomène fréquent à l'inter-saison.
Selon le moteur de calcul de la RT 2012, la consommation serait de 79 kwh/m2 par an pour le chauffage, VMC, ECS, et éclairage. Selon le simulateur dynamique PLEIADES COMFIE, elle consommera un peu moins. Avec PHPP, le logiciel de l'institut PassivHaus, il était possible de parvenir à se passer du chauffage central.
Mais pour cela, il fallait prendre en compte des phénomènes thermiques très détaillés que PLEIADES ne connait pas et encore moins le moteur RT.
Comme par exemple, la quantité de chaleur redistribuée de facto par la VMC Double Flux. Comme encore la capacité naturelle de l'architecture à cette distribution, ce qui fait entrer en ligne de compte la volumétrie du bâtiment mais aussi la position du poêle. Ou même un coefficient de conversion en Energie Primaire de 1 pour tenir compte d'une électricité 100% renouvelable...
Nous avons appris au détour de ce projet, qu'avec une VMC DF, on peut maintenir un écart de 3 degrés maximum entre deux pièces. Et encore, en fermant les portes!
Deux facteurs principaux ont joué en défaveur de la performance énergétique : les monomurs de 42 cm de béton cellulaire ont une performance tout juste suffisante pour atteindre le BBC. Et comme le BBC est environ 3 fois moins performant que le passif... Dans la théorie du monde des calories, il faut ajouter un isolant au monomur. Mais en pratique ce n'est pas forcément pertinent techniquement et économiquement. Or on habite le monde réel, pas celui des calories...
L'autre facteur défavorable, c'est notre culture. Même lorsqu'on travaille avec des professionnels confirmés dans l'éco-construction, même lorsque les résultats des études thermiques le prouvent, même lorsque le client partage cette optique de l'éco-construction, il y a une résistance en nous, c'est la peur du froid. La voix qui murmure "mais tu vas te geler dans ta baraque" ne paie pas de mine mais sa puissance est incroyable. Insoupçonnée. Elle emporte chaque jour des combats sans faire de bruit mais beaucoup de dégâts.
Ici comme partout, le vrai saut n'est pas technique, il est dans les esprits. Accepter l'idée d'absence de chauffage central, demande à l'esprit un effort d'adaptation. Un grand changement, donc une grande crainte. La difficulté de ce changement est très sous-estimée et méconnue parce qu'elle est invisible. Même inconsciente. C'est une mutation qui se passe à l'intérieur du client, de l'architecte, du thermicien. Ne mute pas qui veut...
Quand on se souvient que le chauffage central est apparu dans les années 1960, c'est fou de voir à quel point il est entré dans nos réflexes en 50 ans... et à quel point il faut s'accrocher pour le supprimer alors qu'il ne sert objectivement à rien du tout. Il faut dire que les lobbys du gaz, du pétrole, des chaudières etc... font très bien leur travail d'embrouille et contribuent méticuleusement à empêcher toute manifestation de la vérité.
La meilleure réponse à cette peur, c'est d'aller parler avec tous ces gens pour qui nous avons construit des maisons sans chauffage central... et de découvrir le principe des maisons passives.
Notre ami et partenaire BELENOS de Brioude suit ce chantier. Le béton cellulaire a de multiples avantages dans la mise en oeuvre, comme la possibilité de le découper facilement pour réaliser des feuillures, des courbes ou des modénatures...
Plusieurs entreprises du réseau AVEC participent à ce chantier :
BATIR à Chilhac
VALENTIN à Langeac
VALLAT à Vieille Brioude
ICS à Brioude
INNOVATERRE à Lorlanges
La nouvelle maison C. sera terminée cette fin d'année...