Joyeuse année 2020

voeux 2020 atelier Monjauze architecte

Qu'est-ce qui distingue l'architecture de la construction? Peut-on faire la nuance entre les deux au risque de paraître prétentieux ?
La production de bâtiments s'est massifiée et standarisée sous l'égide des réglementations, des industriels et des grandes majors du bâtiment. Peut-on produire de l'architecture dans ces conditions? Ou bien s'agit-il de constructions sans architecture?

La RT 2012 et les DTU, associés à Bouygues, Isover et Colas, fabriquent un paysage uniformisé partout en France et dans le monde. Un environnement certifié par leur critère commun : la "conformité". La construction gâche les ressources non renouvelables, est inefficace énergétiquement, nocive pour le vivant, dénuée d'imagination et de beauté, non résiliente face aux chocs de la météo... ? Il n'empêche : on peut certifier qu'elle est "conforme" aux réglementations et aux normes. La conformité est une notion, une tournure d'esprit, un langage même, qui nous vient du droit et de la gestion de la qualité. Elle est prisée des banques et des assurances. Mais elle n'a pas de lien avec l'artisanat, l'architecture ou la construction.

Si la "conformité" ne convainc pas ou si elle manque d'originalité, nous pouvons, moyennenant finance, "personnaliser" nos maisons ou nos avenues : choisir sur catalogue une porte d'entrée hors-série ou du mobilier urbain "design" à mettre dans le giratoire.

Transformée par l'industrie et la marchandisation, une partie de notre culture et de notre cadre de vie est cette "France Moche" dont parle l'architecte urbaniste David Mangin : un patrimoine déconfit, légué par la Modernité et son dogme du Progrès. La constrution est anodine, l'urbanisme est techno, le paysage est un chaos routier. Point d'architecture dans les zones commerciales, ces immeubles décharnés, ces maisons de pavillonneurs. Le marketing qualifie de "construction traditionnelle" le produit d'une industrie du bâtiment bas de gamme, obnubilée par le rendement financier à court terme. Les infrastructures phagocytent la nature, suppriment le silence et les nuits noires. Notre cadre de vie urbain est inhospitalier, pathogène, déprimant. Les gens, les animaux, les insectes, la faune... tous sont malades, certains meurent ou ne se reproduisent plus. La France, comme tant d'autres, détricote son parcellaire, désapprend son urbanité, se détourne de ses campagnes. Elle perd son latin.


Qu'est ce qui animait nos anciens lorsqu'ils bâtissaient églises, écoles, mairies, maisons, immeubles? Un langage commun? La foi ? La quête de conditions matérielles meilleures ?

Bien sur, ils construisaient pour répondre à un besoin. A un Besoin et non pour un "rendement". Les dépenses de construction étaient faites pour au moins 100 ans. Elles seraient transmises aux enfants, petits enfants et aux suivants. On ne piétinait pas d'impatience, on laissait à l'avenir le temps d'arriver. Peut-être parce qu'on ne pouvait faire autrement...
Même si depuis, nous avons acquis les moyens de fabriquer à bas coût des constructions fragiles, il faut rappeler que cela reste un choix et qu'il y en a d'autres. Chacun est libre de choisir l'horizon qu'il donne à son investissement : 5 ans,15 ans, 50 ans?... c'est un vrai débat. Bien souvent, moins cher aujourd'hui est plus cher demain.

Posons que chaque projet est unique, et qu'il fait évoluer lentement nos traditions, qu'il contribue à la beauté du monde... Ne nous limitons pas à la conformité, qui est souvent un conformisme paresseux et toujours le faux-nez de la Standardisation. Voilà qui serait une feuille de route pour mettre de l'architecture dans nos constructions.

Avec l'ardeur dans nos cœurs et le discernement dans nos esprits, écrivons nos joies dans la pierre, pour bâtir l'architecture du 21 ème siècle. Comme l'ont fait en leur temps les anciens avant nous.

Alexis Monjauze, 10 janvier 2020

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